Comme évoqué dans nos précédents billets, les ensembles contractuels incluant des contrats de prestations de service et de location financière sont interdépendants, de sorte que l’anéantissement de l’un d’entre eux entraine la caducité de l’autre.
La solution n’est plus vraiment nouvelle depuis que la chambre mixte l’a affirmé au moyen de deux arrêts fort remarqués rendus le 17 mai 2013 « Les contrats concomitants ou successifs qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière, sont interdépendants ; sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance » (Cass. Ch. Mixte, 17 mai 2013, n°11-22.927 et n°11-22.768).
Si l’on a vu parfois fleurir ici ou là, quelques décisions frondeuses faisant résistance pour circonscrire l’interdépendance aux seuls contrats de location portant sur du matériel complexe, la jurisprudence s’est globalement affermie au mérite d’un contentieux abondamment nourri (Cass. Com., 9 juillet 2013 n° 11-14371, Cass. Com., 24 septembre 2013, n°12-25103 ; CA LYON, 4 décembre 2014 ; CA PARIS, 6 février 2014 n°12/07298 ; CA AIX EN PROVENCE, 2 avril 2015, n° 14/07734 ; CA BORDEAUX, 30 janvier 2015, n°12/01998,).
Puis par deux arrêts du 12 juillet 2017, la Haute Cour s’est prononcée sur la caducité résultant de la de résiliation par anticipation (Cass. com. 12 juillet 2017 n° 15-27.703 ; Cass. com. 12 juillet 2017 n° 15-23.552).
Cassant des arrêts rendus par les Cours d’appel de Metz et de Bordeaux à propos de deux contrats de fourniture et d’entretien de photocopieurs pour l’un et la fourniture de matériel de surveillance électronique pour l’autre, la Haute Juridiction a ainsi réaffirmé que « les contrats concomitants ou successifs qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière étaient interdépendants et que la résiliation de l’un quelconque d’entre eux entraînait la caducité, par voie de conséquence, des autres, sauf pour la partie à l’origine de l’anéantissement de cet ensemble contractuel à indemniser le préjudice causé par sa faute ».
Les conséquences pour le bailleur sont radicales.
Il perd d’abord le droit de se prévaloir de l’indemnité de résiliation anticipée stipulée dans son contrat, soit les échéances locatives restant dues jusqu’au terme contractuel, majorées de la pénalité de 10 %, une telle clause ne survivant pas à la caducité.
Mais plus encore, le cocontractant est recevable à lui demander la restitution des loyers déjà versés au titre du contrat de location devenu caduc (Cass. ch. mixte, 13 avril 2018, n° 16-21345).
Point de salut pour le bailleur.
Sauf à tenter de démontrer, au soutient du nouvel article 1186, qu’il n’avait pas eu connaissance de l’opération d’ensemble au moment de la souscription de son contrat et cette circonstance n’est pas aisée à rapporter dans ce type d’opération (CA PARIS 10 septembre 2021, pôle 5 – chambre 11, RG n°19/12482).
Le nouvel article 1186 du code civil pourrait-il porter secours au bailleur ?
Doit-on, à sa lecture, encore distinguer interdépendance objective et subjective ?
Lorsque les parties stipulent par une clause spécifique que les contrats sont divisibles, faut-il néanmoins les considérer comme indivisibles, tant et si bien que l’extinction de l’un emporte celle des autres ?
D’aucun espérait une solution restaurant l’intention des parties sous l’empire de la loi nouvelle, considérant justement que l’article 1186 nouveau distingue l’interdépendance objective, lorsque l’exécution d’un contrat est rendue impossible par la disparition de l’autre, et subjective dans le cas où l’exécution du contrat était une condition déterminante du consentement d’une partie.
Il eut alors été commode d’en déduire que la caducité serait réservée à l’interdépendance dite objective ou mécanique, les clauses de divisibilité étant privées d’effet dans ce seul cas et retrouvant leur portée dans l’autre hypothèse.
Sous l’ancien droit, la cour de cassation avait répondu sans distinguer « lors que les contrats concomittants ou successifs s’inscrivent dans une opération incluant une location financière, ils sont interdépendants, nonobstant toute clause contraire » (Cass. com., 17 février 2021, n° 19-13.903).
Elle réitère cette position stricte dans les premiers jours de 2024 sou l’empire de la réforme du droit des obligations.
C’est l’arrêt commenté, promis à une large diffusion (Cour de cassation 10 janvier 2024 Pourvoi n° 22-20.466).
Dans cette affaire classique, il est stipulé dans le contrat de location que la locataire a choisi librement le matériel et son fournisseur.
La Cour rappelle au visa de l’article 1186, alinéas 2 et 3, du code civil, que lorsque l’exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d’une même opération et que l’un d’eux disparaît, sont caducs les contrats dont l’exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l’exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d’une partie, la caducité n’intervenant toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l’existence de l’opération d’ensemble.
Elle précise ensuite son raisonnement.
Les contrats concomitants ou successifs qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière étant interdépendants, il en résulte que l’exécution de chacun de ces contrats est une condition déterminante du consentement des parties, de sorte que, lorsque l’un d’eux disparaît, les autres contrats sont caducs si le contractant contre lequel cette caducité est invoquée connaissait l’existence de l’opération d’ensemble lorsqu’il a donné son consentement.
Et la sanction radicale de la caducité complète le dispositif, la Cour en, concluant que dans les contrats formant une opération incluant une location financière, sont réputées non écrites les clauses inconciliables avec cette interdépendance.
La règle est désormais posée sous la lecture de l’article 1186 nouveau, il ne peut pas sauver le contrat de location financière de la caducité.
Le bailleur n’a plus qu’à appeler la partie à l’origine de l’anéantissement de cet ensemble contractuel.
Vous devez être connecté dans pour poster un commentaire.