
QU’EST-CE QUI FAIT COURRIR LA PRESCRIPTION DU TEG POUR LES SOCIETES CIVILES IMMOBILIERES ?
Il ne nous aura pas échappé que les actions en contestation du TEG sont enfermées dans une prescription de 5 ans.C’est finalement la détermination du point de départ de la prescription qui alimente un vaste contentieux en jurisprudence, fondée sur la distinction emprunteur non professionnel / emprunteur professionnel.
S’agissant d’un concours financier contracté pour les besoins de l’activité professionnelle de l’emprunteur…
, la prescription de l’exception de nullité de la stipulation du taux effectif global court à compter de la conclusion de l’acte de prêt (Cour de cassation, 11 décembre 2013, n° de pourvoi 12-15512 13-13393).
En revanche, pour un emprunteur non professionnel, la prescription court à compter du jour où l’emprunteur a eu connaissance de l’irrégularité (Cass. Civ 1ère 16 octobre 2013 (n° 12-18190 ; 27 Novembre 2013 n° 12-22456 12-24115).
Le cadre du prêt immobilier est particulièrement propice à la qualification d’emprunteur non professionnel, décalant ainsi le point de départ de la prescription (Cass. Civ 1ère 26 novembre 2014 n° 13-24168).
Mais si cette solution est particulièrement claire pour l’emprunteur personne physique qui souscrit un prêt immobilier, elle est nettement plus obscure lorsqu’il d’une SCI !
Quelles sont les SCI dont on peut considérer qu’elles ont une activité professionnelle ?
Le critère d’activité économique pourrait se poser en référence mais aucune disposition légale ou réglementaire ne précise ce qu’il faut entendre par cette notion.
Chacun y va de son analyse et de ses suggestions !
La question n’est pas inédite et déjà en 1986, le garde des Sceaux y répondait en ces termes peu contributifs : « toute activité de production, de transformation ou de distribution de biens meubles ou immeubles et toute prestation de services en matière industrielle, commerciale, artisanale et agricole » (Rép. Sergheraert : AN 17-3-1986 p. 1105).
La CNCC considère qu’une personne morale a une activité économique « lorsqu’elle collecte des fonds qu’elle redistribue et assure, ce faisant, un rôle d’intermédiaire dans un processus de redistribution des richesses », tel est le cas notamment des SCP, des SCI de construction -vente, des SCI propriétaires de forêts, des sociétés d’attribution d’immeubles ou des SCEA (Norme 5-103 « Conventions réglementées »).
Concernant les sociétés civiles ayant pour objet la gestion d’un immeuble, la Cour de Cassation a jugé qu’une SCI a une activité économique d’investisseur immobilier et constitue une entreprise au sens de l’article L 313-22 dès lors qu’il entre dans son objet social d’acquérir, de gérer et de vendre et contracter des emprunts en vue de réaliser des opérations immobilières (Cass. 1e civ. 5 mai 2004 n° 673).
En revanche, elle a estimé que ne constituait pas une entreprise une société créée entre des époux et leurs enfants, dont la seule activité avait consisté à acheter un logement déjà loué et appartenant aux époux et à emprunter pour financer cet unique achat (CA Paris 7 juin 2002 n° 01-181 : 3/03).
Mais récemment la Cour de Cassation a été amenée à revoir sa copie.
Elle affirme désormais qu’une société civile qui a pour objet social « la propriété, l’acquisition, la location de tous biens ou droits immobiliers (…) en vue de la location et, généralement, toutes opérations quelconques pouvant se rattacher directement ou indirectement à cet objet ou contribuant à sa réalisation, pourvu que ces opérations n’aient pas pour effet d’altérer le caractère civil de la société, doit être considéré comme un professionnel de l’immobilier ».
La solution a été retenue alors même que la société « a un caractère familial, n’est propriétaire que d’un seul bien, n’a jamais réalisé d’opération d’achat-revente, ne fait pas profession de l’acquisition immobilière » (Cass. 3e civ., 16 sept. 2014, n° 13-20.002).
Que penser de cette conception des juges, si ce n’est qu’elle semble en complet décalage avec la situation des associés, qui se trouvent finalement traités comme des professionnels de l’immobilier, qu’ils ne sont pas dans de nombreux cas.
La question du point de départ de la prescription de l’action en contestation du TEG est alors bien loin d’être la seule conséquence attachée à cette qualification.
La perte du délai de rétractation de 7 jours apparait bien plus préoccupante.
Ne faut-il pas revenir vers une qualification recentrée sur l’activité réelle de la société, fondée sur la seule analyse de son objet social ?
La question a été posée à l’Assemblée nationale (QM n° 67212 : http://questions.assemblee-nationale.fr/q14/14-67212QE.htm).
En l’état, bien peu de SCI échapperait à la qualification d’emprunteur professionnel et pour déterminer le départ de la prescription, une lecture analytique de l’objet social et de l’objet du prêt s’impose.
N’hésitez pas à consulter un avocat spécialisé.
Sabine VACRATE
Avocat
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