Comme évoqué dans nos précédents billets, les ensembles contractuels incluant des contrats de prestations de service et de location financière alimentent un contentieux abondant devant les prétoires pour faire reconnaitre l’interdépendance de ces différents contrats afin d’obtenir que la caducité d’un des contrats entraîne la caducité de l’autre.
La résiliation ou l’annulation du contrat de prestation, liée à l’absence ou à la mauvaise qualité du service assuré sur le matériel ou la liquidation judiciaire du prestataire est de nature à entraîner la caducité du contrat de financement portant sur ce matériel.
C’est un fait.
Le développement du recours au financement des biens bureautiques ou informatiques associé à des prestations plus ou moins complexes liées à la maintenance ou à des solutions de GED génère une multiplication des actions judiciaires dont l’objet est d’obtenir la caducité des contrats de location de matériels bureautiques et informatiques.
C’est un fait.
Ces contrats étant régularisés pour des durées fermes et définitives de 21 trimestres en général, le coût global exposé par l’opération est le nerf de la guerre lorsque le client se trouve privé de l’usage de son matériel et qu’il se trouve contraint, par l’effet des clauses contractuelles, de continuer à payer les loyers jusqu’à la fin de la période contractuelle.
Les arrêts rendus le 17 mai 2013 par la chambre mixte sont venus alléger le fardeau probatoire du client insatisfait en énonçant que « Les contrats concomitants ou successifs qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière, sont interdépendants ; sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance ».
Fort du caractère automatique des effets de l’interdépendance ainsi consacrée, le voilà libéré de l’obligation de justifier des conditions de l’indivisibilité des contrats pour voir s‘appliquer la caducité du financement.
Tout autant qu’était prononcé la nullité des clauses dont l’objectif était de déclarer les contrats indépendants en faisant peser sur le locataire la responsabilité du choix du produit, du fournisseur et du prestataire.
En ayant recours à sa formation la plus solennelle et en accompagnant ces deux décisions identiques d’un communiqué de presse, la haute Cour a sans aucun doute fait usage de son pouvoir prétorien en fixant une règle et un principe applicables par les juridictions de fond d’une façon qui se voulait automatique.
Pour autant, les bailleurs concernés ont continué à faire de la résistance durant ces 3 dernières années, se retranchant systématiquement derrière leurs clauses d’indépendance ou « l’obligation » pour le client insatisfait de choisir un autre prestataire à ses frais.
Le débat portant sur le caractère accessoire ou principal du contrat premièrement résilié était également mis en avant pour tenter de renverser les décisions, tout comme la contestation portant sur la qualification de la clause d’indemnité de rupture anticipée du contrat de financement qui fait courir le restant des loyers à la charge du locataire et que les organismes de financement refusent de voir soumettre au pouvoir modérateur du juge.
On a vu également fleurir ici et là, l’argument présentant l’interdépendance comme attachée aux seuls contrats portant sur du matériel complexe.
Il fallait également compter avec l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations qui, loin de remettre en cause la jurisprudence antérieure sans envisager le cas particulier de la location financière, dispose clairement dans ses articles 1186 et 1187 des conséquences de l’interdépendance et renforce l’obligation d’information précontractuelle des bailleurs en son article 1112-1 dont le manquement peut entraîner l’annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants.
Mais malgré une telle évolution du droit positif et l’état de la jurisprudence pourtant constante, une nouvelle confirmation de la position de la Cour de Cassation était attendue et plutôt bienvenue pour refixer le principe et ses conséquences et peut-être ajouter quelques grandes maximes à l’usage des juges du fond.
Ce qui va sans dire est toujours mieux une fois dit.
Il en est ainsi notamment du bien concerné par l’interdépendance (matériels informatiques dont photocopieurs, téléphonie, fourniture de site internet…) ou du type de financement souscrit (location financière ou crédit-bail).
C’est chose faite.
Par deux arrêts du 12 juillet 2017, la Cour de Cassation s’est donc une nouvelle fois prononcée sur le sort d’un contrat conclu dans le cadre d’une opération incluant une location financière, lorsque celui qui porte sur cette dernière a été résilié par anticipation (Cass. Com, 12 juillet 2017 n°15-27.703).
Cassant des arrêts rendus par les Cours d’appel de Metz et de Bordeaux qui faisaient vraisemblablement de la résistance à propos de deux contrats consistant en la fourniture et l’entretien de photocopieurs pour l’un et la fourniture de matériel de surveillance électronique pour l’autre, la Haute Juridiction a ainsi réaffirmé que « les contrats concomitants ou successifs qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière étaient interdépendants et que la résiliation de l’un quelconque d’entre eux entraînait la caducité, par voie de conséquence, des autres, sauf pour la partie à l’origine de l’anéantissement de cet ensemble contractuel à indemniser le préjudice causé par sa faute ».
Il en est résulté que devait être exclue « l’application de la clause du contrat caduc stipulant une indemnité de résiliation ».
Espérons que ces apports à la fois nouveaux et confirmatifs de la Haute Cour sonnent définitivement le glas des décisions de fond résistant aux effets automatiques de l’interdépendance et engorgeant sans raisons les prétoires.
Il appartient désormais aux bailleurs de prendre leurs dispositions pour envisager différemment le financement octroyé en matière d’équipement.
Sabine VACRATE
Avocat
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